Si l’on suit attentivement les débats sur la « relance » de l’industrie européenne des semi-conducteurs, débats « relancés » par la crise Covid, on observe un curieux et persistant silence du gouvernement français à propos des propositions de M.Breton… un silence d’autant plus « fort » qu’en Allemagne on s’active plutôt… C’est dans ce contexte qu’intervient cette lettre de SEMI, analysée par R.Loukil dans Usine Nouvelle.
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La France a pris au début de l’année 2022 la présidence du Conseil de l’UE pour une période de six mois. SEMI Europe, la branche européenne du syndicat des équipementiers des semi-conducteurs, en a profité pour adresser une lettre au président Emmanuel Macron lui demandant de faire de l’industrie des puces une priorité de cette présidence. La lettre, dont L’Usine Nouvelle s’est procuré une copie, est cosignée par Paul Boudre, directeur général de Soiec et vice-président de SEMI Europe.
La présidence française intervient à un moment de crise sans précédent, avec pénurie de puces, flambée des prix et perturbations de la chaine d’approvisionnement sur fond de rivalité exacerbée entre les Etats-Unis et la Chine. Partout dans le monde, les grandes puissances font de la maitrise des semi-conducteurs un axe stratégique pour sécuriser la chaine logistique et réduire leur dépendance vis-à-vis des fournitures étrangères. La Chine, les Etats-Unis, la Corée du Sud, le Japon et récemment l’Inde ont tous déjà mis en place des plans ambitieux dans ce domaine.
Capitaliser sur les forces de l’Europe
«Sans un leadership fort parmi les États membres et une stratégie globale en matière de semi-conducteurs, les ambitions de l’Europe en matière de souveraineté technologique continuent d’être largement menacées, lit-on dans la lettre. Pour assurer notre avenir, l’Europe doit exploiter tout son potentiel et s’affirmer comme une région d’excellence industrielle, où le développement et la fabrication de semi-conducteurs avancés sont guidés par une stratégie claire qui capitalise sur les forces et la position de l’Europe dans les chaînes de valeur mondiales.»
La Commission européenne accorde une attendre particulière à la politique industrielle dans les semi-conducteurs pour des questions de souveraineté, d’indépendance technologique et de sécurité d’approvisionnement. Elle prépare notamment la mise en place de l’European Chips Act, le pendant européen du plan Chips for America Act à 52 milliards de dollars aux Etats-Unis, avec à la clé un investissement de plus de 40 milliards d’euros en 10 ans. L’un des objectifs de ce plan est de doubler le poids de l’Europe dans la production mondiale de puces en dix ans, en le portant à 20 % en 2030. La finalisation de ce plan est prévue au courant du premier semestre 2022, c’est-à-dire pendant la présidence française du Conseil de l’UE. Il appartient donc à la France d’agir pour transformer le projet en réalité.
«La France est bien positionnée pour diriger et défendre les ambitions technologiques de l’Europe et reconnaître la valeur de l’industrie de fabrication électronique comme un pilier clé du futur leadership industriel et de la résilience de l’Europe», estime SEMI Europe. La France est encouragée à donner notamment la priorité lors de sa présidence du Conseil de l’UE à l’European Chips Act et à l’Alliance européenne des puces, lancée en juillet 2021, comme éléments-clés de la souveraineté technologique de l’Europe.
L’Europe dispose de nombreuses forces dans les semi-conducteurs : ASML dans les équipements de lithographie, Air Liquide dans les gaz de gravure, Soitec dans les substrats à hautes performances, STMicroelectronics dans les imageurs spécialisés, Infineon dans les composants électroniques de puissance, NXP dans les circuits radiofréquences, Bosch dans les Mems, AMS dans les capteurs, etc. Mais elle est totalement absente des composants numériques avancés comme les mémoires, les microprocesseurs à hautes performances ou les circuits logiques programmables, et des services de fonderie de puces de pointe. Elle dépend pour la fabrication de certains circuits des fondeurs asiatiques comme le taiwanais TSMC ou le sud-coréen Samsung. C’est pourquoi Thierry Breton, commissaire européen en charge du marché intérieur, milite pour la création sur le sol européen d’une fonderie avancée de puces capable d’aller jusqu’aux gravures de 3 et 2 nanomètres. Mais le projet fait débat en Europe où l’industrie des puces n’est pas dans la course de la loi de Moore, privilégiant plutôt la démarche « More than Moore ».