L’institut syndical européen (ETUI), organisme de recherche de la Confédération Européenne des Syndicats (CES à laquelle la CGT est adhérente), a commandé un rapport sur le « Technostress et autres revers du travail nomade ». L’objet de cette étude est « d’alerter les travailleurs européens sur les risques» liés à l’essor des nouvelles technologies dans le travail (NTIC).
Ce rapport traite de :
- L’essor du travail nomade
- Les risques du travail nomade
- Réglementation en matière de santé et de sécurité au travail
- Le travail nomade comme thème pour la représentation syndicale
Il conclut de la façon suivante :
« Bien que le travail nomade ne soit pas un phénomène totalement nouveau, il est évident que les récentes percées technologiques dans le monde de l’information et de la communication ont favorisé sa diffusion et le développement de concepts tels que celui du «Nouveau Monde du Travail» (New World of Work, NWoW). Alléchés par les promesses de réduction de coûts annoncées par des consultants d’horizons divers, il est probable que dans les prochaines années de nombreux employeurs chercheront à s’engager sur la route du travail nomade, et cela même si certaines entreprises qui s’y étaient engagées font déjà demi-tour. Ce chemin pourrait être parsemé d’embûches pour les travailleurs. C’est pourquoi les représentants des travailleurs devraient, au cours des dix prochaines années, suivre ces évolutions avec une attention soutenue.(…)
Les recherches portant sur le technostress et les douleurs physiques aux doigts et aux poignets ont permis d’établir un lien assez net entre ces plaintes et l’usage intensif de nouveaux équipements de communication, et cela même après une courte période. Beaucoup plus d’incertitude entoure les effets sur la santé des utilisateurs de l’exposition aux champs électromagnétiques résultant de l’utilisation des téléphones portables et des réseaux informatiques sans fil. Ces effets ne sont probablement observables qu’après une longue période d’exposition, en particulier dans le cas de tumeurs dont, par ailleurs, l’apparition peut être liée à d’autres causes. Les risques psychologiques liés au travail nomade se manifestent de plus en plus. Un utilisateur sur dix d’équipements de communication mobiles s’estime dépendant à ces technologies, et les données rassemblées dans la présente publication montrent que les travailleurs qui en font un usage intensif se plaignent davantage que les autres travailleurs de problèmes tels que le burn-out et les lésions attribuables au travail répétitif.
Ces effets sur la santé sont, en grande partie, la conséquence d’un repos insuffisant ou d’équipements mal conçus sur le plan ergonomique. (…)
Il ne revient pas aux représentants des travailleurs de tenter de stopper l’essor du travail nomade car, entre autres raisons, les travailleurs eux-mêmes peuvent tirer profit de ces nouvelles opportunités. En effet, la flexibilité apportée par le travail nomade peut permettre de mieux concilier vie privée et vie professionnelle à l’heure où, d’après l’enquête européenne sur les conditions de travail, près d’un travailleur sur cinq estime ne pas y parvenir. Mais si l’engouement pour le travail nomade se confirme, il s’agira de veiller à en garder le contrôle car le travail nomade peut également contribuer à brouiller dangereusement la frontière entre vie professionnelle et vie privée.(…)
Par ailleurs, la fatigue, les difficultés de coordination et de collaboration, la baisse du soutien social, le manque de support matériel, voire le fait de se soustraire à ses obligations professionnelles, sont des phénomènes que le travail nomade peut renforcer et dont l’impact sur la productivité n’est plus à démontrer. Les processus de travail peuvent également être perturbés à la suite de dysfonctionnements de l’infrastructure technologique sur laquelle repose le travail nomade. Ces défaillances doivent être prises en considération lors de l’établissement de la liste des arguments en faveur ou en défaveur du travail nomade.
En cas d’introduction du travail nomade, il est indispensable de tenir compte des différences entre individus, des aspirations de tous les travailleurs vis-à-vis de leur régime de travail et de la conception de leur espace de travail, etc. Cela signifie que les employeurs devraient être attentifs à ne pas examiner seulement les «indicateurs de rendement» mais également les «indicateurs de performance sociale» que sont la santé mentale, le bien-être, la satisfaction au travail, etc. Les représentants des travailleurs et les autres acteurs impliqués devraient systématiquement défendre une approche équilibrée et respectueuse de la dimension sociale, sans quoi le travail nomade révélera tôt ou tard sa face sombre. »