Le 30 mars 2015 la direction de ST a annoncé aux marchés financiers vouloir proposer à l’Assemblée Générale du groupe du 27/05/2015 un dividende trimestriel de 0,10$ jusqu’au premier trimestre 2016, soit une somme de plus 350M$ consacrée à la rémunération des actionnaires, sans compter les éventuels rachats d’actions ou autres opérations financières telles qu’on les a connues en 2014, (150M$ de rachats d’actions en 2014).
Cette annonce est faite alors que l’entreprise est dans une situation difficile, qu’elle souffre d’un manque d’ambition industrielle, et ne réalise pas les investissements industriels à la hauteur des nécessités. Faute de produits digitaux, Crolles 300 connait des épisodes de chômage partiel. De même Rousset s’interroge sur son avenir à 3 ou 5 ans, les produits à haute technologie étant transférés pour charger Crolles. Il y a en cours un PDV (plan de départs volontaires) qui affecte essentiellement les sites de Crolles et de Grenoble. Ces départs de « DPG » affaiblissent le cœur du numérique, et nous constatons que le numérique n’est plus considéré comme un des éléments clés de la stratégie de STMicroelectronics. C’est une erreur de fond, la même que celle qui a conduit à l’abandon de la téléphonie mobile et à l’arrêt de ST-Ericsson, qui compromet le développement de l’entreprise au moment où le numérique gagne tous les secteurs de la vie quotidienne. Il faudrait pour cela une politique ambitieuse, avec des investissements industriels conséquents et un grand nombre d’embauches de jeunes.
La situation sociale n’est guère plus brillante. Alors que des revendications sociales sont exprimées sur plusieurs sites, (demande d’une réelle politique salariale, protestation contre la faiblesse de l’intéressement, …), et qu’un mouvement social fort est en cours à Crolles, la direction a opposé une fin de non-recevoir et refuse de fait de négocier. De plus à Crolles les salariés souffrent aussi d’une dégradation importante de leurs conditions de travail suite à la réduction des effectifs.
Le déficit social n’est en fait que le pendant du déficit de vision industrielle à moyen et longs termes. En effet, pourquoi répondre aux demandes des salariés, si on n’a pas d’idées sur quoi sera fait demain ou que la seule ambition de l’entreprise est de réduire les coûts et de satisfaire les actionnaires ?
Nous avions déjà fait ce constat en 2014 où il est nécessaire de rappeler que plus de 500M$ ont été consacrés à la rémunération des actionnaires plutôt qu’à l’investissement et à la politique sociale.
Dans l’immédiat, et avec les moyens dont elle dispose, ST peut déjà agir de manière significative. La réaffectation des dividendes à la R&D et à l’investissement, l’utilisation correcte des subventions, le recours à l’endettement permettraient d’avoir des moyens pour un développement ambitieux de l’entreprise.
Nano 2017 est insuffisant au regard de ce qu’il faudrait pour construire une industrie des semi-conducteurs pérenne en France et en Europe. Ce n’est pas 400 Millions € sur 5 ans qu’il faut, mais plutôt 4 Milliards € sur 5 ans. C’est tout à fait possible si on compare cette somme aux cadeaux fiscaux faits au patronat en pure perte (5 Milliards € par an de crédit impôt recherche, 200 Millards € d’exonérations fiscales par an, etc…).
Les États français et italien ont un rôle important à jouer dans le développement de l’industrie de la microélectronique en France et en Europe, ils doivent intervenir de manière volontariste, à la fois en assurant des moyens, mais aussi en imposant une stratégie industrielle à la hauteur des nécessités, avec une direction renouvelée. Qui pourrait comprendre qu’en Europe il n’y ait pas d’industrie puissante des Semi-Conducteurs vu son rôle pour l’ensemble de l’industrie ?