Un entretien intéressant de M.Chéry à la « Tribune » :
ENTRETIEN. Après avoir une nouvelle fois relevé ses objectifs, le fabricant franco-italien de semi-conducteurs STMicroelectronics se retrouve aujourd’hui au coeur de la demande en composants. En plus d’une volonté de « tirer collectivement les leçons » de l’épisode actuel de pénurie et de mettre en garde sur la manière d’adresser les enjeux de relocalisation, le président du directoire et directeur général de STMicroelectronics Jean-Marc Chéry, annonce le doublement de ses moyens de production en Europe d’ici 2025. Avec la conviction que le combat se fera à la fois sur l’innovation différenciée, mais aussi sur un nouveau modèle, bâti aux côtés des acteurs de l’automobile
extrait :
Cela signifie très probablement que, pour l’industrie des semi-conducteurs, la demande pourra soutenir sur le long terme, des taux de croissance qui pourraient atteindre 7 à 9%. Mais d’ici là, nous aurons nécessairement un régime transitoire en 2021.
LA T : Emmanuel Macron a justement plaidé pour une « relocalisation » des semi-conducteurs et certains évoquent l’objectif de créer « une fonderie européenne » sur le modèle d’Airbus ou de Galileo, équivalent à un « TSMC européen » ? D’autres estiment que c’est une fausse bonne idée, estimant qu’investir aujourd’hui prendra du temps, ne fera pas effet tout de suite, mais surtout créerait une nouvelle phase cyclique de surplus. Dans quel camp vous situez-vous ?
JMC : Nous saluons la mobilisation continue des autorités publiques pour aider l’industrie des semi-conducteurs à continuer d’innover avec une variété d’instruments de soutien stratégique.
Il faut cependant faire confiance aux acteurs économiques pour gérer leurs propres challenges et faire confiance aux autorités publiques pour qu’elles leur créent des conditions favorables pour gérer ces challenges. Si les acteurs économiques considèrent que cela passe par la création de nouveaux moyens de production, ils le feront.
C’est le cas de ST, qui va doubler ses moyens de production en Europe entre 2020 et 2025. Ce qui signifie doubler principalement notre production en France (notamment à Crolles) ainsi qu’en Italie, où l’on termine de construire une nouvelle usine près de Milan et qui va commencer à faire rentrer de nouveaux équipements prochainement. Nous allons aussi tripler la production du carbure de silicium en Italie.
Or, ce qui est aussi important pour nous, c’est d’avoir la fourniture d’électricité et les infrastructures qui vont permettre de faire cela de manière sereine et de façon compétitive. L’Etat a un rôle clé pour créer les conditions pour le faire, et il s’agit d’un partenaire critique.
LA T : Il ne suffit donc pas de crier relocalisation, relocalisation dans votre secteur également…
JMC :Une part du succès aujourd’hui de ST dans sa capacité à adresser le marché de l’automobile, de l’électronique personnelle et de l’industriel, tient au fait que l’Etat français a soutenu, avec les plans Nano, les efforts de R&D et de pré-industrialisation que ST a fait entre 2008 et 2022.
Notre industrie s’est développée partout dans le monde avec le phénomène de la mondialisation. D’où l’éclatement actuel des sites et usines sur la carte du monde. La crise actuelle liée à la pandémie exacerbe les tensions liées à l’approvisionnement, à la logistique. Avec en toile de fond, la volonté de nombreux gouvernements de soutenir le développement ou la croissance de leurs écosystèmes technologiques, car ils savent que ce sera une source de croissance pérenne pour l’avenir.
Tout l’enjeu est désormais de discuter avec les acteurs économiques et de créer les conditions industrielles pour qu’ils ne délocalisent pas. Certains de nos compétiteurs ont fait le choix de ne pas avoir d’usine. Nous, nous avons fait des choix différents avec des sites industriels et des investissements massifs en Europe.
Nous avons également eu des incitations à le faire, par exemple pour le développement de la technologie FD-SOI, qui permet de faire des microcontrôleurs avec une mémoire PCM répondant bien aux spécifications automobiles. Cette technologie est tout droit issue du Plan Nano 2017 ! Le résultat aujourd’hui, c’est que la production commence et que le marché est là.
LA T : Vous participez finalement à l’alliance européenne sur les semi-conducteurs : au démarrage, ST n’en voyait pas l’intérêt : pourquoi ce revirement, quel est l’enjeu pour vous derrière cette alliance et quelle est sa limite ?
JMC : Je pense qu’au début, il s’agissait d’un malentendu. Les discussions se sont poursuivies et les sujets couverts par l’alliance se sont étendus. Nous l’avons rejointe le 6 octobre dernier. C’est une initiative essentielle car nous demeurons convaincus que la recherche et développement dans notre secteur doit être collaborative, c’est dans notre ADN.
A relire : tribune CGT dans Usine Nouvellehttps://stmicro.reference-syndicale.fr/2021/10/28/tribune-cgt-stmicro-et-soitec-sur-la-micro-electronique/