A M. Jean-Marc Chéry, PDG de STMicroelectronics
De CGT STMicroelectronics France
Copie M. Thierry Tingaud, M. Alexis Rérolle, Mme Anne Inizan
Monsieur le PDG,
Nous avons lu avec intérêt et surprise votre interview publié le 23 avril dans l’Usine Nouvelle. Vous y déclarez notamment ceci :
« Malheureusement, en France et en Italie, nous avons dû faire face à l’adversité de certains (entendez la CGT en France) qui poussaient à la fermeture des usines. Si on avait fermé l’usine de Crolles au mi-mars pour la rouvrir au mi-mai comme certains le demandaient, cela nous aurait coûté 600 millions de dollars sans compter les pénalités qu’auraient exigées des clients pour non livraison de produits. Cela aurait mis ST à genoux. Le fait que les gouvernements aient déclaré essentielle notre activité nous a aidés et nous a encouragés dans notre confrontation avec ceux qui réclamaient l’arrêt des usines mais dont l’objectif n’était pas que la protection des salariés. »
En fait, la CGT a demandé lors de la première annonce de confinement de M.Macron, la mise en veille provisoire (hors produits médicaux) des usines de ST, pour aider à freiner l’épidémie, et pour préparer un redémarrage dans de bonnes conditions. Bien évidemment il ne s’agissait pas d’appuyer sur un interrupteur, mais de « s’organiser pour préserver l’outil industriel » (courrier CGT du 18 mars). Nous ne sommes ni benêts, ni inconscients !
La CGT a toujours précisé que nos industries étaient essentielles à l’économie, mais qu’elles n’étaient pas immédiatement indispensables dans la phase sanitaire aigüe que nous traversions. Une phase aigüe dont nous ne maîtrisions pas les caractéristiques vu l’incurie des politiques gouvernementales libérales, l’affaiblissement de nos hôpitaux et les pénuries de masques, gels, respirateurs etc.
Le 15 avril, nous avons pris acte du fait que les usines de ST n’avaient pas fermé, que la situation sanitaire avait évolué dans le pays et dans ST. Nous avons donc abandonné notre demande de fermeture provisoire et nous avons poursuivi l’action pour que les usines continuent à tourner à effectif réduit et pour renforcer les règles de sécurité. On est donc loin des deux mois d’arrêt qui auraient mis ST « à genoux ».
Ce que nous demandions a été fait par d’autres sociétés : arrêter, mettre en veille, dans un premier temps, s’organiser pour redémarrer. Si ST avait procédé ainsi , cela aurait évité de produire dans des conditions d’insécurité les premières semaines. Cela aurait évité que sur plusieurs sites, nous ayions du utiliser des procédures de Danger Grave et Imminent pour mettre en sécurité les salariés de la partie industrielle.
Ceci a notamment été le cas à Crolles, où l’inspection du travail est plusieurs fois intervenue pour faire des demandes proches de celles de la CGT. Le 27 avril l’inspection du travail a fait un nouveau rapport où il est noté : « Au total, l’entreprise n’a pas mis en oeuvre l’ensemble des mesures de prévention nécessaires pour faire baisser au niveau le plus bas possible les risques de contamination au Covid 19 ». Elle demande la mise en place de mesures complémentaires; des précisions supplémentaires sont données par le syndicat CGT de Crolles.
Quant à l’Italie, il y a bien eu une grève organisée le 25 mars par les syndicats italiens notamment en Lombardie, pour demander la fermeture des usines. Nos camarades d’Agrate y ont participé. C’était logique au vu de la force de l’épidémie dans cette région, et du poids de l’industrie. Peut-être qu’un peu plus de prudence du patronat italien aurait évité d’aggraver la situation en Lombardie.
La prudence sanitaire, le sens de la collectivité ne sont pas malheureusement dans l’ADN du patronat, dont vous êtes un représentant. On le constate une nouvelle fois dans vos déclarations. Vous vous plaignez des pertes qu’aurait engendrées une fermeture de Crolles. Dans des CSE vos représentants ont expliqué que l’objectif de ST était de sortir « gagnante » de la crise. On est bien loin des préoccupations collectives nécessaires pour contrer l’épidémie.
Quant à la réduction d’à peine 30% des dividendes proposée par le Conseil de Surveillance, qui plus est soumise à possible rectification en septembre, quelle grande timidité dans la solidarité, Monsieur le PDG ! Par contre nous sommes inquiets de la réduction annoncée des investissements principalement en Italie.
Nous avons aussi noté le chiffre de 600 Millions$ que vous donnez pour évaluer la valeur de la production de Crolles pour deux mois. Effectivement la production des usines françaises représente presque la moitié de la valeur produite par ST dans le monde. Mais il nous semble que ST paye bien peu d’impôts en France sur cette production. ST ne verse pas non plus de participation aux salariés. Nous vous rappelons aussi que vous n’avez jamais répondu à notre lettre de janvier 2019 vous demandant où nos dirigeants payaient leurs impôts…
Des questions bien plus intéressantes que le sous-entendu que vous faites en prétendant que notre « objectif n’était pas que la protection des salariés ». Pourtant c’était bien la seule protection de la santé des salariés et de la santé collective qui nous animait et nous anime toujours.
Au cas où vous l’auriez oublié, Monsieur le PDG, la CGT se bat depuis des dizaines d’années pour qu’existe en Europe une vraie industrie de la micro-électronique, et ce n’est pas elle qui a pris, par exemple, la décision d’arrêter la R&D technologique en dessous de 28nm.
Veuillez recevoir nos meilleures salutations,
Pour la CGT STMicroelectronics France Marc Leroux