« Je n’ai jamais réussi à définir le féminisme. Tout ce que je sais, c’est que les gens me traitent de féministe chaque fois que mon comportement ne permet plus de me confondre avec un paillasson. » Rebecca West
C’est l’histoire de l’oncle Roger*, celui qu’on invite le dimanche mais qui est toujours un peu lourd. Il est en pétard, Roger car il vient de perdre des points sur son permis de conduire et va payer une grosse amende. Il s’est fait flasher par un radar en pleine ligne droite.
Pourtant, lui, il sait bien conduire. Ça fait des années qu’il conduit et qu’il n’a jamais eu d’accidents. Et puis il a une grosse auto, Roger, avec plein d’options. D’ailleurs, il aime bien la bagnole, Roger. Alors il n’y a pas de problèmes même quand il a un peu bu. Et d’ailleurs, il ne fait jamais d’excès de vitesse, Roger. Il n’aime pas ça (c’est le moment de regarder la mine de sa femme…). Et puis, les policiers, ils n’ont pas mieux à faire ? Plutôt que de s’occuper à embêter les braves gens… Et depuis qu’il a déjà pris une prune, il y a quelques années, il a fait beaucoup d’efforts pour rouler moins vite. Alors quoi, pour une fois…
Alors que ST vient d’être condamnée pour discrimination liée au sexe et que le juge parle de discrimination générale, ST se défend comme Roger. ST minimise, explique que c’est de l’histoire ancienne, que maintenant tout est réglé, que la discrimination, c’est pas bien… Alors reprenons les arguments un par un :
C’est de l’histoire ancienne, puisque le juge a établi les faits sur la base de documents transmis en 2015, date de dépôt des plaintes. Depuis, ST a tellement fait !
Factuellement, dans le cas des dossiers jugés, ST n’a rien fait depuis 2015. ST a refusé toutes discussions de conciliation, nos situations n’ont pas évolué malgré des retards manifestes de carrière. A part des refus systématiques de mobilités internes, de formations ou de reconversions, du harcèlement, une mauvaise fois flagrante de se conformer aux demandes de documents des juges, nous n’avons noté aucune évolution positive.
Alors qu’a fait ST ? De la com, interne et externe. Que ce soit dans la création de réseaux spécifiques, dans l’adhésion à des associations de promotions des filières techniques auprès des jeunes filles ou sous forme de conférences. C’est un premier pas, mais sans aucun impact sur les carrières de femmes déjà dans ST. Et il y aurait encore beaucoup à redire… ST met en avant des formations pour les managers et pour certaines femmes choisies avec soin. Mais ces formations ne touchent qu’une infime partie des femmes (moins de 50 femmes par an en comptant large… pour ST France).
L’effet pervers de ces communications, est le transfert de responsabilité de ST vers les individus, qu’ils soient managers (parce qu’ils sont “formés”, ils doivent être irréprochables) ou des femmes (A elles de se prendre en mains, sans moyens puisque ST fait tout pour limiter l’accès aux informations).
ST met aussi en avant ses accords : mais l’existence d’accord ne prémunit contre les discriminations et ST est en autre condamné pour non-respect de l’accord actuellement en vigueur. S’il y a accord, il n’y a pas d’éléments qui prouvent son application. Quant aux conférences, même si elles peuvent être bien faites, imaginer balayer des siècles de comportements sexistes et discriminants par la participation à des conférences est d’une naïveté désarmante.
Bref “tout” ce que fait ST depuis des années, s’est assuré le service minimum pour que surtout rien ne change vraiment sur le fond, tout en faisant croire que l’entreprise est active.
Mais est-on bien sûr que les choses n’ont pas changé ?
Plein d’éléments montrent que non, notamment dans les documents de la direction. C’est écrit noir sur blanc dans l’accord égalité professionnelle de 2022. Les rapports obligatoires annuels donnent toujours les mêmes écarts de salaires depuis 2007, date des premiers rapports. Nous tenons tous ces éléments chiffrés à la disposition des personnes qui souhaitent le vérifier.
Un exemple symbolique : pour le site de Grenoble, l’écart de salaire moyen mensuel pour les ingénieur.es et cadres de 2007 était de 584 €. En 2022, cet écart est de 584 €. Exactement le même. A part pour les très hauts salaires (les 5% les plus hauts) où les écarts diminuent depuis 2007 (encore autour de 1000 € mensuel !), toutes les autres statistiques stagnent ou se détériorent.
Elles ne sont plus à ST… Scoop ! c’est faux. La plupart sont encore vos collègues.
Et bien voyons… Sur les 11 salariées qui ont porté plainte en 2013, 8 sont encore à ST : 3 à Grenoble et 5 à Crolles. Non, ce n’est pas de l’histoire ancienne. Nous sommes encore là et bien là.
Embauchées dans les années 80… Avant ou après JC ?
La direction nous voit plus vieilles que dans la réalité. C’est pas hyper sympa ! Ou alors, nous avons été recrutées à la crèche. Dans les faits, nos dates d’embauches à ST s’étalent de 1990 à 2010. Et avec l’âge de départ à la retraite qui augmente, on sera encore vos collègues pour quelques années. On n’est plus à 10 ans près !
En conclusion
La situation des femmes ne s’est pas réellement améliorée depuis 2007, ni depuis 2015. C’est de la com sauve-qui-peut de la direction. Ce qui a changé, c’est l’énergie que ST met à camoufler la réalité. Mais les décisions de justice remettent toute la lumière sur cette réalité. Les femmes sont discriminées à ST, que ce soit en termes de carrières ou de salaires et cela, dès l’embauche. Et ce n’est pas en mettant en avant le parcours de quelques-unes qui sortent du lot, que le sort de toutes les autres va s’améliorer.
*Le prénom a été changé à sa demande.